Algérie : arrestation du général Nacer El Djinn, fin d’une cavale qui a secoué le pouvoir
Après vingt-huit jours de fuite, l’ex-patron du contre-espionnage algérien Nacer El Djinn a été arrêté à Alger. Cette cavale, sans précédent dans l’histoire du renseignement national, révèle de profondes tensions au sommet de l’État.
Une cavale symptomatique d’une crise interne
L’interpellation du général Abdelkader Haddad, alias Nacer El Djinn, le 15 octobre à Alger, met un terme à plus de trois semaines de confusion au cœur de l’appareil sécuritaire. Selon des sources sécuritaires concordantes, l’ancien chef de la DGSI a été arrêté alors qu’il s’apprêtait à rencontrer son successeur, le général Aït Ouarabi, dit Hassan. Présenté au tribunal militaire de Blida, il a été placé sous mandat de dépôt.
Mais au-delà du fait divers spectaculaire, cette cavale traduit une crise de confiance sans précédent entre les institutions qui forment le socle du pouvoir algérien : la présidence, l’état-major et les services de renseignement.
Le séisme d’un contre-espion en fuite
Que l’ex-chef du contre-espionnage algérien parvienne à échapper à sa garde et à disparaître pendant près d’un mois témoigne d’un affaiblissement des mécanismes de contrôle interne. Cette évasion a mis à l’épreuve la coordination entre les organes de sécurité, révélant les failles d’un système centralisé mais miné par les rivalités.
La présidence, prise de court, a ordonné un blackout médiatique total, laissant le champ libre aux rumeurs les plus extravagantes : fuite en Espagne, reddition volontaire, voire tensions ouvertes avec l’état-major. Cette absence de communication traduit la gêne et l’ampleur du traumatisme institutionnel provoqué par l’affaire.
Les dessous d’une destitution éclair
Nommé en mai 2024 à la tête de la DGSI, Nacer El Djinn incarnait une nouvelle génération d’officiers issus de la lutte antiterroriste des années 1990/2000, avec le passif qui est le leur et qui seraient loyaux mais sans base clanique affirmée. La nomination de ce général avait été perçue comme un signal de confiance du président Tebboune envers les structures sécuritaires.
Pourtant, à peine dix mois plus tard, il est limogé. D’après des sources proches des milieux militaires, le général aurait autorisé des enquêtes internes sur des personnalités proches du cercle présidentiel. Selon El Watan et TSA, plusieurs dossiers sensibles auraient été transmis à la présidence et à l’état-major, provoquant des frictions au sommet de l’État. Ce franchissement de ligne rouge aurait précipité sa disgrâce.
Une fuite au cœur du pouvoir
Les premiers éléments recueillis indiquent qu’après sa destitution, Nacer El Djinn a été placé en résidence surveillée sous la supervision du Centre principal militaire d’investigation (CPMI), puis brièvement libéré avant d’être de nouveau assigné à domicile. Sa disparition dans la nuit du 17 au 18 septembre, en plein Alger, démontre la défaillance des services chargés de sa surveillance.
Cette évasion a provoqué une réaction en chaîne : déploiement massif des unités de la sécurité présidentielle autour de la résidence du chef de l’État, verrouillage du quartier du Golfe, et réunion de crise entre le président Tebboune et le chef d’état-major, Saïd Chengriha. Plusieurs sources internes indiquent qu’il y’aurait eu des échanges vifs entre les deux hommes, chacun jugeant l’autre responsable de cette faille majeure.
Le révélateur d’un équilibre instable
L’affaire Nacer El Djinn agit aujourd’hui comme un miroir des déséquilibres qui traversent l’appareil d’État algérien. Elle illustre la coexistence d’un pouvoir civil quasi inexistant et d’un commandement militaire omniprésent, où les lignes d’autorité se chevauchent.
Le rapport de force entre la présidence et l’armée, longtemps fondé sur la complémentarité, semble s’être durci. Pour de nombreux analystes, cette affaire confirme que le renseignement demeure à la fois un instrument de stabilité et un champ de bataille interne. Sa direction devient ainsi l’objet de luttes d’influence où chaque clan tente d’imposer son contrôle sur la mémoire et les secrets du régime.
Un tournant pour les services algériens
À court terme, la remise aux autorités du général Nacer El Djinn apaise la crise. Mais sur le plan institutionnel, l’épisode fragilise durablement l’image d’efficacité et de cohésion des services algériens. Il intervient au moment où Alger cherche à redéfinir le rôle de son renseignement dans un environnement régional tendu — du Sahel à la Méditerranée.
Le procès attendu de l’ex-patron de la DGSI, s’il est rendu public, pourrait devenir une affaire d’État au retentissement considérable et marquer un précédent dans la relation entre secret d’État et transparence.
ALG247.COM avec sources multiples.



