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mercredi, novembre 19, 2025

[SONDAGE] Les Juifs américains se détournent du soutien inconditionnel à Israël

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Les Juifs américains se détournent du soutien inconditionnel à Israël

Un sondage du Washington Post révèle qu’une majorité de Juifs américains jugent les actions d’Israël à Gaza comme des crimes de guerre, voire un génocide. Un basculement d’opinion inédit qui illustre l’érosion du soutien traditionnel de la diaspora américaine à l’État hébreu et à sa politique militaire.

Une fracture inédite entre Israël et sa principale diaspora

Selon une enquête réalisée du 2 au 9 septembre 2025 par The Washington Post auprès d’un échantillon représentatif de Juifs américains, 61 % des personnes interrogées estiment qu’Israël a commis des crimes de guerre à Gaza, tandis que 39 % vont jusqu’à qualifier les opérations militaires de « génocide ».
Des résultats qui marquent un tournant profond dans la perception de la guerre menée par le gouvernement de Benjamin Netanyahu contre le Hamas depuis octobre 2023.

Cette étude, relayée par le média israélien Ynetnews, met en évidence un recul historique du soutien communautaire à la politique israélienne. Seuls 46 % des sondés déclarent approuver la campagne militaire actuelle, contre 48 % qui s’y opposent. Un équilibre inédit dans une communauté traditionnellement alignée sur la défense d’Israël.

Un désaveu cinglant pour Benjamin Netanyahu

Le Premier ministre israélien est directement visé par cette désaffection. 68 % des Juifs américains interrogés portent un jugement négatif sur sa gestion du conflit, dont la moitié estime qu’elle est « mauvaise » ou « désastreuse ». Ce rejet se retrouve dans toutes les tranches d’âge, mais il est particulièrement prononcé chez les jeunes adultes.

Malgré cette défiance politique, l’attachement à Israël demeure cependant fort : près de 76 % considèrent que l’existence de l’État hébreu reste « essentielle à l’avenir du peuple juif », et 58 % disent éprouver un lien émotionnel ou culturel profond avec les Israéliens.
Ce paradoxe illustre une évolution du rapport à Israël : le soutien identitaire persiste, mais il ne se traduit plus automatiquement par un appui politique.

Une génération plus critique et politisée

Le clivage générationnel apparaît comme l’un des éléments les plus marquants du sondage. Chez les 18-34 ans, la moitié des répondants estiment qu’Israël commet un génocide à Gaza, contre environ un tiers chez les plus de 55 ans.

Les jeunes Juifs américains, souvent plus progressistes, expriment une vision du conflit plus critique, nourrie par des valeurs humanitaires et un scepticisme croissant à l’égard du nationalisme religieux.

Cette tendance s’explique aussi par le rôle des réseaux sociaux et la visibilité accrue des images de civils palestiniens touchés par la guerre, qui ont contribué à modifier la perception de la légitimité de la riposte israélienne. L’émergence de mouvements comme Jewish Voice for Peace ou IfNotNow, très présents sur les campus américains, illustre ce glissement idéologique au sein d’une nouvelle génération de Juifs américains engagés pour une approche plus critique de la politique israélienne.

Une opinion fragmentée sur la responsabilité du conflit

L’enquête du Washington Post met également en évidence une conscience partagée des responsabilités :

  • 94 % des sondés estiment que le Hamas a commis des crimes de guerre,
  • mais 80 % jugent qu’Israël contribue à la prolongation du conflit,
  • et 86 % désignent Benjamin Netanyahu comme un facteur clé de l’impasse.
  • Enfin, 61 % considèrent que les États-Unis portent une part de responsabilité dans la poursuite des hostilités, notamment en raison de leur soutien militaire constant à Israël.

Cette complexité d’opinion traduit une maturité nouvelle au sein de la communauté juive américaine, longtemps perçue comme monolithique sur les questions liées à Israël.

Les causes profondes d’un recul du soutien

Plusieurs facteurs expliquent ce tournant :

  1. L’usure de la guerre – Deux ans après le début du conflit, le nombre élevé de victimes civiles et la destruction d’infrastructures à Gaza ont suscité un malaise moral, même parmi les soutiens traditionnels d’Israël.
  2. La polarisation politique interne en Israël – Les réformes judiciaires, la montée des partis d’extrême droite et la rhétorique messianique du gouvernement ont accentué la distance avec les Juifs américains, majoritairement libéraux et démocrates.
  3. Le choc des valeurs – La jeunesse juive américaine, socialement engagée, se reconnaît moins dans le récit sécuritaire israélien et davantage dans une approche humanitaire universelle, dénonçant indistinctement les violations des droits humains.
  4. Un effet miroir du débat américain – Les débats sur le financement militaire d’Israël au Congrès et les manifestations pro-palestiniennes sur les campus ont reconfiguré le discours public.

Le soutien à Israël n’est plus perçu comme un consensus, mais comme un enjeu politique clivant.

Vers une redéfinition du lien diaspora–Israël

Les analystes soulignent que ce glissement d’opinion ne remet pas en cause l’existence de l’État d’Israël, mais il interroge la nature du lien entre Israël et la diaspora américaine. Alors que les institutions communautaires – comme l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) – continuent de défendre un appui inconditionnel, une part croissante de Juifs américains appelle à un soutien « critique », conditionné au respect du droit international.

Cette mutation pourrait à terme influencer la politique américaine envers Israël, dans un contexte où la Maison-Blanche fait face à une opinion publique de plus en plus divisée sur le sujet.

Une évolution appelée à durer

Pour de nombreux observateurs, le sondage du Washington Post ne représente pas un simple épisode d’humeur, mais un virage structurel dans la relation entre Israël et la diaspora juive américaine. Le rapport de confiance, autrefois fondé sur la solidarité historique post-Shoah et sur le sentiment d’un destin commun, semble désormais tempéré par des considérations éthiques, politiques et générationnelles.

Cette transformation, encore à ses débuts, pourrait marquer une nouvelle ère du judaïsme américain, où l’identité juive ne se définit plus seulement par le soutien à Israël, mais aussi par la capacité à en interroger les choix politiques.

ALG247.COM avec The Washington Post

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