Prisonniers palestiniens libérés par Israël : libres mais sans patrie
Après leur libération dans le cadre de l’accord de paix pour Gaza, des dizaines d’ex-prisonniers palestiniens se retrouvent sans patrie. Refoulés de plusieurs États arabes, ils errent désormais entre frontières et camps provisoires, victimes d’un exil imposé.
Une libération synonyme d’exil
Le 24 octobre 2025, Al Jazeera révélait le sort de quelque 145 prisonniers palestiniens libérés puis expulsés à la suite de la première phase du plan de paix pour Gaza, parrainé par les États-Unis, l’Égypte et le Qatar. Ces anciens détenus, longtemps incarcérés dans les prisons israéliennes, ont été libérés dans le cadre d’un vaste échange : 2 000 prisonniers palestiniens contre les derniers otages israéliens encore en vie. Mais ce qui devait marquer la fin d’un calvaire s’est transformé en nouvelle tragédie. Selon le mouvement Addameer, nombre des détenus ayant purgé de lourdes peines ont été expulsés vers l’Égypte, avec l’obligation d’être relocalisés dans des pays tiers.
Refusés par plusieurs États arabes, beaucoup se retrouvent aujourd’hui sans statut légal, logés dans des zones frontalières ou des centres d’accueil temporaires.
Témoignages d’un bannissement silencieux
Les ex-détenus dénoncent des conditions inhumaines après leur libération. « Personne ne veut de nous », confie à Al Jazeera un ancien prisonnier transféré du désert du Sinaï vers un camp provisoire. « Nous avons quitté une prison pour un exil sans fin. » Plusieurs d’entre eux affirment que les autorités égyptiennes leur interdisent de sortir des zones surveillées, tandis que d’autres ont été refoulés à la frontière jordanienne.
Addameer évoque également des pressions israéliennes directes sur les pays arabes pour qu’ils refusent de les accueillir, dans le but de briser toute symbolique de victoire palestinienne.
Contexte : la paix sous condition
La libération des prisonniers s’inscrit dans la mise en œuvre du plan de paix proposé par le président Donald Trump et signé au Caire le 9 octobre 2025. Cet accord vise à mettre fin à la guerre à Gaza, imposant un cessez-le-feu et une série d’échanges encadrés par le Comité international de la Croix-Rouge.
Au total, Israël a libéré 1 968 prisonniers, dont 250 condamnés à perpétuité. Parmi eux, 154 ont été expulsés vers l’Égypte, avant d’être redirigés vers des destinations indéterminées. Pourtant, leurs proches espéraient un retour à la vie civile. Beaucoup découvrent depuis leur sortie que leurs familles ont disparu sous les bombardements ou ont été déplacées à l’intérieur de Gaza.
Silence et désespoir
Les ONG dénoncent le cynisme d’un processus qui libère sans réintégrer. Human Rights Watch rappelle qu’à ce jour plus de 9 100 Palestiniens demeurent emprisonnés en Israël, dont 400 enfants et 52 femmes. « Nous assistons à une politique de bannissement moderne », estime un chercheur palestinien.
Dans les camps du Sinaï, certains ex-détenus entreprennent des grèves de la faim pour demander un statut clair. D’autres tentent de rejoindre clandestinement la Jordanie ou la Turquie. « Nous ne demandons pas la charité, seulement un lieu où vivre en paix », témoigne un ancien prisonnier, la voix brisée.
Une crise humanitaire ignorée
Alors que les médias se concentrent sur la reconstruction de Gaza, la situation des Palestiniens exilés reste largement occultée. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) n’a, pour l’heure, émis aucun mandat spécifique pour leur venir en aide. Entre diplomatie bloquée et absence d’accueil, ces hommes demeurent suspendus entre deux mondes.
Derrière la façade du « plan de paix pour Gaza », une nouvelle tragédie humaine se joue. Ces Palestiniens libérés mais sans patrie rappellent cruellement que la paix, lorsqu’elle exclut la dignité, n’est qu’un transfert de prison.
ALG247.COM
