Une enquête de Sky News et Jewish Voice for Labour met en lumière un possible financement israélien d’une milice gazaouie, avec armes, liquidités et détournement d’aide humanitaire.
Les révélations, si elles se confirment, bouleverseraient la compréhension du conflit à Gaza et poseraient de graves questions sur le rôle des aides occidentales dans la guerre.
Une enquête qui met Israël face à ses contradictions à Gaza
Une enquête conjointe menée par Sky News Data & Forensics Unit et publiée par le média britannique Jewish Voice for Labour révèle que des forces israéliennes auraient soutenu une milice armée opérant à Gaza, en marge des opérations officielles contre le Hamas.
Cette organisation, appelée Popular Forces, serait dirigée par Yasser Abu Shabab, un ancien détenu et chef local connu pour ses liens avec les réseaux de contrebande et de sécurité informels du sud de Gaza.
Les enquêteurs affirment que ce groupe aurait bénéficié d’un accès privilégié à l’aide humanitaire, de financements et d’équipements fournis ou facilités par Israël, en échange de sa coopération contre le Hamas.
Des armes, du cash et une aide humanitaire instrumentalisée
Un réseau opaque révélé par des documents et témoignages
Selon l’enquête, les Popular Forces auraient reçu :
- des armes et véhicules israéliens autorisés à circuler dans des zones contrôlées ;
- des fonds en liquide via des intermédiaires tribaux ;
- des marchandises (carburant, cigarettes, matériel) transitant par le point de passage de Kerem Shalom, surnommé par les ONG locales le « Looters’ Alley » ou « couloir des pilleurs ».
Ces livraisons auraient été couvrées par des programmes d’aide financés par les États-Unis, notamment la Gaza Humanitarian Foundation (GHF) — une ONG censée œuvrer de manière neutre.
Les enquêteurs estiment que des responsables israéliens ont laissé faire ou coordonné ces livraisons pour affaiblir le Hamas et encourager une forme de « contre-pouvoir local ».
Une stratégie israélienne de “division pour régner” ?
Un calcul géopolitique risqué
Pour plusieurs analystes cités par Sky News, cette politique s’inscrirait dans une logique classique : diviser les forces palestiniennes pour éviter la reconstitution d’un pouvoir unifié à Gaza.
En soutenant une milice locale non affiliée au Hamas, Israël chercherait à instaurer un contrôle indirect sur certaines zones, tout en montrant à Washington une image de pragmatisme sécuritaire.
Mais cette stratégie pourrait se retourner contre Tel-Aviv : l’histoire des conflits au Moyen-Orient regorge d’exemples de milices devenues incontrôlables. Certains diplomates évoquent même une possible criminalisation du pouvoir local, où l’aide humanitaire devient une monnaie d’influence politique et militaire.
Quand l’aide américaine sert une guerre locale
La Gaza Humanitarian Foundation au cœur du scandale
Les documents analysés par Jewish Voice for Labour et Sky News montrent que la GHF — financée en partie par USAID, l’agence américaine d’aide au développement — aurait servi de canal logistique pour ce réseau.
Des convois humanitaires destinés aux civils auraient été détournés partiellement par la milice, puis redistribués de manière clientéliste, en échange d’allégeance ou de services armés.
Une note interne de l’ONU, datée de novembre 2024, corrobore en partie ces faits en mentionnant des cas de pillage d’aide par des groupes armés proches d’Abu Shabab.
Cependant, USAID a contesté toute implication directe, affirmant en juillet 2025 ne disposer d’aucune preuve d’un détournement massif de l’aide humanitaire par des groupes affiliés à Israël ou au Hamas (Reuters).
Les réactions officielles : dénégations et silences
Côté israélien, aucun démenti détaillé n’a été publié. Les autorités invoquent la nécessité de “contrôler l’aide” pour éviter qu’elle ne profite à des groupes terroristes, sans répondre directement aux accusations. La GHF, elle, se défend de toute partialité et souligne la difficulté d’opérer dans un territoire fragmenté où l’accès humanitaire dépend souvent des conditions imposées par Israël.
Des anciens soldats israéliens cités anonymement par Sky News confirment néanmoins des contacts directs avec la milice, et des coordonnations de terrain ponctuelles visant à sécuriser certaines zones de distribution.
Une violation du droit humanitaire ?
Si ces accusations sont confirmées, elles constitueraient une violation du droit international humanitaire, notamment :
- du principe de neutralité de l’aide ;
- du devoir de protection des civils en territoire occupé ;
- et du droit à une distribution équitable et non militarisée de l’assistance.
Des experts du CICR estiment que la militarisation de l’aide met en danger les civils, accroît la dépendance et compromet la confiance envers les acteurs humanitaires sur le terrain.
Le vide du “jour d’après” à Gaza : un terrain propice aux milices
La multiplication des milices locales s’explique aussi par le vide politique laissé à Gaza depuis la destruction d’une grande partie des institutions politiques et civiles. Sans plan clair pour la gouvernance du territoire après le Hamas, Israël pourrait chercher à s’appuyer sur des relais tribaux ou armés, comme l’explique le Washington Institute for Near East Policy, pour “stabiliser temporairement” certaines zones.
Mais ce modèle rappelle dangereusement les erreurs des interventions occidentales en Irak et en Libye, où la prolifération de groupes armés a conduit à des décennies d’instabilité.
Vers une enquête internationale indépendante ?
Face à la gravité des accusations, plusieurs ONG et experts appellent à une enquête indépendante sous mandat de l’ONU pour vérifier :
- le rôle exact des forces israéliennes dans le financement ou la tolérance de la milice,
- la traçabilité de l’aide humanitaire internationale,
- et la conformité de ces pratiques avec le droit humanitaire.
L’enjeu dépasse la seule responsabilité d’Israël : il concerne la crédibilité de l’aide internationale en zone de guerre et la protection des civils dans un conflit prolongé.
🧾 Sources principales
- Sky News – “Guns, Cash and American Aid: Israel’s Support for Gaza Militia”
- Jewish Voice for Labour – “Guns, Cash and American Aid”
- Le Monde – “Israël soutient une milice impliquée dans le détournement de l’aide à Gaza”
- Reuters – “USAID: No evidence of massive Hamas theft of Gaza aid”
- Washington Institute – “Israel’s Tribal Approach to Gaza”
- Arab News – “Israel accused of funding Gaza militia amid humanitarian crisis”
Auteur : ALG247.COM



