Harkis et camp de Rivesaltes en France : une tragédie oubliée révélée par la découverte récente d’ossements
Plus de soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie, la mémoire des harkis et de leurs familles passe par une vérité difficile à entendre : le camp de Rivesaltes fut un lieu de relégation et de souffrances, où des centaines de disparitions sont survenues.
La récente découverte d’ossements éclaire ce passé douloureux et relance les démarches mémorielles.
Contexte historique : les harkis après la guerre d’Algérie
Après la signature des Accords d’Évian en mars 1962 et l’indépendance de l’Algérie, les harkis (supplétifs algériens de l’armée française) ont été victimes de représailles en Algérie, où beaucoup ont été tués ou emprisonnés. Environ 90 000 harkis et membres de leurs familles ont fui vers la France, accueillis non comme rapatriés mais comme réfugiés surveillés. Sur ce nombre, environ 22 000 ont été placés au camp de transit et de reclassement de Rivesaltes, dans les Pyrénées-Orientales, entre 1962 et 1965.
Le camp de Rivesaltes : un lieu de relégation et d’exclusion
Le camp de Rivesaltes, initialement construit en 1935 et utilisé pour diverses populations vulnérables au fil des décennies (Républicains espagnols, Juifs étrangers, prisonniers), est devenu un lieu symbolique de l’exclusion des harkis après la guerre d’Algérie. Les conditions de vie y étaient extrêmement difficiles, avec des baraques rudimentaires, un froid intense, un manque d’eau et d’hygiène, la promiscuité, et des maladies diverses. Plusieurs témoignages ont décrit une vie marquée par la souffrance physique et psychologique, notamment pour les enfants et les femmes.
De plus, l’accueil brutal et la relégation dans ce camp ont laissé les familles dans une situation précaire, avec des séjours souvent très brefs mais parfois prolongés, sans réelle perspective ni soutien. Les familles cataloguées « irrécupérables » ont été envoyées vers d’autres centres, tandis que certaines restaient plusieurs années à Rivesaltes.
La disparition mystérieuse des corps et la découverte récente d’ossements
Parmi les personnes décédées dans le camp, au moins 146 (dont 101 enfants) n’avaient jamais vu leur corps retrouvés, un drame longtemps ignoré. À l’automne 2024, plusieurs tombes supposées contenir ces dépouilles se sont révélées vides, suscitant incompréhension et colère des familles. En février 2025, il a été révélé que les dépouilles avaient été déplacées en 1986, et des caisses contenant plusieurs milliers d’ossements ont été retrouvées dans le cimetière communal de Rivesaltes. Ces ossements ont été analysés par un anthropologue qui a identifié au minimum 49 enfants de moins de trois ans et trois adultes, correspondant aux disparus du camp.
Enjeux mémoriels et décisions à venir
Cette découverte majeure rouvre un débat sur la responsabilité, la gestion administrative et la reconnaissance des souffrances des harkis en France. Les familles, confrontées à la découverte brutale de ces ossements mêlés, doivent maintenant décider de la destination de ces dépouilles. Plusieurs lieux de recueillement sont proposés, soit au cimetière communal, soit sur le site même de l’ancien camp, pour que la mémoire puisse enfin être honorée dignement. Cette affaire souligne aussi la nécessité d’un travail de vérité historique et d’un hommage officiel aux harkis, longtemps marginalisés.
Le camp de Rivesaltes incarne une page sombre et méconnue de l’histoire française post-coloniale. La tragédie des harkis, exilés et relégués dans des conditions inhumaines, et la disparition de leurs proches ponctuent une souffrance encore largement ignorée. La récente mise au jour des ossements permet d’avancer vers une reconnaissance nécessaire et une réparation historique, mais aussi de ne plus oublier ces victimes de l’indifférence et de l’oubli.
ALG247.COM (avec agences)
