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mercredi, novembre 19, 2025

Réforme judiciaire en Algérie : entre modernisation institutionnelle et inquiétudes de la société civile

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Présentée en octobre 2025, la réforme de la justice algérienne annonce une modernisation profonde du cadre judiciaire. Si le gouvernement y voit un pas vers la transparence et l’efficacité, la société civile et plusieurs ONG y perçoivent un renforcement du contrôle politique sur les magistrats.

Une refonte juridique d’envergure

Adoptée par le Parlement et promulguée en août 2025, la loi n°25-14 portant nouveau Code de procédure pénale marque l’un des changements juridiques les plus importants depuis l’indépendance. Elle vise à adapter les normes nationales aux standards internationaux en matière de droits humains, tout en facilitant le fonctionnement de la justice.

Selon le président Abdelmadjid Tebboune, cette réforme a pour objectif de « garantir les droits et libertés, renforcer la lutte contre la corruption et consolider l’État de droit ». Elle s’inscrit dans un vaste chantier de révision de l’arsenal juridique, entamé après la Constitution de 2020.

Des avancées techniques notables

Le texte introduit plusieurs innovations: clarification du rôle du juge d’instruction et séparation stricte entre enquête et jugement; reconnaissance du droit au recours pour toute condamnation; obligations renforcées pour motiver chaque jugement; introduction de la médiation pénale encadrée et statut des « médiateurs délégués ».

Le procureur de la République conserve un rôle central dans les enquêtes, mais certaines procédures deviennent plus souples, permettant notamment la prolongation de garde à vue sans présentation systématique au parquet. Ces mesures visent, selon le ministère de la Justice, à « alléger la charge judiciaire » et à « fluidifier le traitement des affaires pénales ».

Le discours officiel : une justice rénovée et indépendante

Lors de l’ouverture de l’année judiciaire 2025-2026, le président Tebboune a affirmé que la nouvelle législation « soutiendra la lutte contre la criminalité tout en protégeant les droits et libertés des citoyens ». Les médias publics, tels que L’APS et La Voie d’Algérie, insistent sur la volonté de moderniser le système judiciaire, d’introduire la transition numérique et de garantir une meilleure accessibilité à la justice. Le gouvernement présente cette réforme comme un élément clé de la transparence institutionnelle et de la crédibilité économique du pays.

Les inquiétudes de la société civile

Plusieurs organisations indépendantes expriment des réserves sur cette réforme. La Ligue algérienne pour la défense des droits humains (LADDH), Menarights et Euromed Rights estiment qu’elle ne garantit pas encore l’indépendance effective des magistrats face à l’exécutif. Elles dénoncent un contexte politique où la justice reste fortement centralisée et instrumentalisée dans des affaires sensibles. La Radio des Sans Voix, proche de la société civile, souligne « l’absence de vraie concertation » avec les syndicats de magistrats ou les ONG, et craint que la révision du Code pénal ne serve à « légaliser certaines restrictions » envers les opposants politiques.

Certaines dispositions du nouveau texte, notamment l’extension de la détention provisoire et la flexibilité en matière de garde à vue, sont perçues par ces acteurs comme des outils susceptibles de renforcer le pouvoir répressif du régime.

Le dilemme de la crédibilité judiciaire

Entre modernisation juridique et préoccupations démocratiques, le débat sur la réforme judiciaire révèle un contraste profond: la volonté affichée de transparence d’un côté, et la crainte, de l’autre, d’une justice toujours sous tutelle politique.

Les organisations internationales soulignent que pour que l’indépendance soit réelle, le Conseil supérieur de la magistrature devra être réformé afin de réduire l’influence du pouvoir exécutif. Une exigence qui reste, pour l’instant, en suspens.

La réforme judiciaire algérienne de 2025 incarne à la fois une ambition modernisatrice et une tension persistante entre pouvoir exécutif et autonomie judiciaire. Si elle introduit des garanties procédurales inédites, les observateurs s’accordent sur un point : la véritable indépendance de la justice dépendra moins des textes que de leur application concrète dans un environnement politique encore marqué par la centralisation du pouvoir et un autoritarisme de plus en plus affiché et assumé par les tenants du pouvoir réel en Algérie.

ALG247.COM

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