Par Handhala DZ — ALG247.COM le 05/10/2025
Et si la Palestine pouvait réunir, le temps d’un souffle, deux de ses voix les plus emblématiques ?
L’une parle par le feu, l’autre par le trait. Abou Obeida, figure masquée de la résistance armée, porte-parole du Hamas, symbole de défi face à l’occupation. Naji al-Ali, caricaturiste assassiné en 1987 à Londres, père du petit Handala, cet enfant au dos tourné, devenu icône universelle de la conscience palestinienne.
Dans cette rencontre imaginaire, la plume et le fusil se répondent. Deux langages différents, mais une même quête : celle de la dignité et de la libération. Le texte qui suit n’est ni reportage, ni fiction pure : c’est un dialogue poétique et politique, entre deux visages de la lutte pour la libération de la Palestine, entre l’encre et le feu.
Entre l’encre et le feu
Gaza, à la lisière de la nuit.
Sous un ciel troué de drones et d’étoiles, la poussière danse entre les ruines.
Un drapeau palestinien flotte, déchiré, sur un pan de mur encore chaud.
Deux silhouettes s’avancent, lentement.
L’une porte un masque, l’autre un carnet.
Abou Obeida et Naji al-Ali se rencontrent.
À leurs pieds, Handala, l’enfant au dos tourné, observe en silence.
Naji al-Ali :
Tu viens du feu, moi de l’encre. Nous combattons le même ennemi, mais pas avec les mêmes armes.
Abou Obeida :
Tes dessins éveillent les consciences. Mais crois-tu que l’occupation recule devant les croquis ?
Elle comprend la langue du sang, pas celle de l’ironie.
Naji al-Ali (souriant tristement) :
Et pourtant, combien d’occupants ont tremblé face à un dessin ?
J’ai dessiné la peur des rois, la honte des complices, la trahison du silence.
Mon crayon a traversé des frontières que tes roquettes peinent à franchir.
Abou Obeida :
Le monde partage tes dessins, s’indigne un instant… puis oublie.
Pendant ce temps, nos enfants meurent.
Moi, je parle à ceux qui ont cessé d’écouter.
Chaque frappe est un mot, chaque martyr, une phrase d’amour de la patrie.
Naji al-Ali :
Et chaque dessin est une pierre jetée contre le mur du mensonge.
L’encre ne fait pas de bruit, mais elle laisse des traces que les bombes ne peuvent effacer.
Un jour, c’est elle qui renversera les empires.
Abou Obeida :
Alors, dessine-nous libres.
Dessine Gaza sans ruines, sans masques, sans checkpoints.
Car tant que nous résistons, ton art restera vivant.
Naji al-Ali :
Je ne dessine pas ce qui est, Abou Obeida.
Je dessine ce qui doit être.
Handala refuse de montrer son visage tant que la Palestine n’est pas debout.
Et toi, tu caches le tien pour qu’elle le soit surement un jour.
Vous êtes les deux visages d’une même douleur.
(Silence. Le vent s’apaise. Le masque d’Abou Obeida frémit légèrement.)
Abou Obeida :
Tu parles avec beauté, frère de l’encre.
Mais quand les bombes tombent, la poésie se tait.
Naji al-Ali :
Non. C’est là qu’elle parle le plus fort.
Regarde ce ciel : il n’a plus d’étoiles, mais nos morts y brillent à leur place.
La poésie, c’est ce qui empêche la mort de tout emporter.
Abou Obeida :
Et la résistance, c’est ce qui empêche le monde d’oublier.
Nos chemins diffèrent, mais notre serment est le même.
(Naji referme son carnet. Abou Obeida baisse son arme.
Handala, pour la première fois, tourne légèrement la tête. Une larme, peut-être, brille dans la poussière.)
Naji al-Ali :
Quand la Palestine sera libre, je dessinerai ton visage.
Et toi, tu poseras ton fusil à côté de mon carnet.
Ce jour-là, Handala nous regardera enfin de face.
Abou Obeida :
Alors que ce jour vienne, Naji.
Et que ton encre continue de tracer le chemin que nos pas ensanglantés suivent.
(Une page du carnet s’envole, emportée par le vent.
Sur le papier : Handala regarde un olivier.
Au loin, une colombe s’élève vers la mer.)
Épilogue
Il ne s’agit pas d’une rencontre réelle, mais d’une vérité symbolique.
Deux visages d’un même combat :
- L’un parle avec les armes,
- L’autre, avec les lignes de la conscience.
Dans la poussière des ruines et l’encre des rêves,
ils portent la même promesse :
que la Palestine vive, libre et debout.



